A l’issue d’une conférence de Jean Bolline, cichlidophile averti s’il en est, j’ai senti comme un frémissement parmi certains membres présents. Comme une envie de peupler un bac avec l’un ou l’autre membre de cette étonnante famille semblait germer parmi quelques‐uns d’entre nous. Le virus du Tanganyika m’a contaminé vers 1975; depuis, il ne m’a plus quitté. Hormis la beauté formelle des premiers Lamprologus importés d’Afrique, leurs comportements variés les rendaient très attractifs. ET surtout, ils se portaient comme des charmes dans l’eau bien chargée en calcaire de la région bruxelloise. Côté défaut, ces bestioles sont bel et bien des cichlidés avec le tempérament affirmé qui les rend parfois un rien agressifs. Ma fish‐room fut rapidement remplie de bacs de 300 à 450 litres. Jusqu’au jour où visitant l’expo d’Anvers dédiée aux cichlidés (ce show bisannuel était animé par l’aile néerlandophone de l’ABC mais a hélas disparu du calendrier), mon œil fut attiré au fond de la salle par quelques bacs minuscules. Je venais de rencontrer les cichlidés conchylicoles du lac Tanganyika ! Quelques jours plus tard, Daniel Licop me procurait huit Neolamprologus multifasciatus. Ce poisson – un des plus petits cichlidés au monde ‐ me semble parfait pour s’initier à la maintenance de cette famille passionnante.
Portrait robot
Neolamprologus multifasciatus Boulanger 1906 mesure entre 2,5 cm pour la femelle et 5 cm pour le mâle. Multifasciatus signifie «nombreuses bandes» et c’est bien la meilleure description qui soit: tout le corps est orné de fines bandes brunâtres verticales –à l’exception de la tête. C’est ce qui le distingue avec son œil cerclé de bleu de l’espèce voisine Neolamprologus similis qui lui possède deux barres sur la tête et une robe plus foncée.
Les deux espèces nichent dans les champs de coquilles vides des escargots aquatiques accumulées sur les fonds vaseux du lac Tanganyika.
Cette niche écologique particulière forme – à leur échelle– un pseudo récif tridimensionnel très protecteur.
Tant il est vrai que leur abondance et leur petite taille aiguisent l’appétit de nombreux prédateurs.
Bac sweet bac
L’idéal pour héberger l’une ou l’autre espèce est un bac de 80 x 50 x 40, mais un bac d’une centaine de litres suffit déjà. Comme pour la majorité des cichlidés, prenez un bac dont la surface au sol est la plus grande possible.
Le reste est trivial : Plantation ? Oubliez ! Les p’tits taquins sont de véritables obsédés du terrassement.
Décor ? Soit un décor placé derrière l’aquarium, soit un décor home made en mousse de 5cm d’épaisseur
rapidement sculpté et collé – à l’intérieur du bac ‐ sur la vitre arrière fera l’affaire.
Par contre, vous devrez soigner le substrat ! Prévoyez de manger quelques kilos de bulots et de vous infliger
le nettoyage des coquilles (on en reparle dans un prochain article). Si vous n’aimez pas les bulots, ou si vous
êtes pressés, allez au Delcarcoruyt du coin et achetez plusieurs boîtes de coquilles vides d’escargots de Bourgogne. Par précaution, lavez‐les à l’eau claire deux fois.
La suite est d’une facilité déconcertante: étaler les coquilles sur une ou deux couches en ménageant une petite plage de 20 cm sur 20 cm sans rien.
D’un geste auguste versez un sable fin style sable du Rhin ou sable de Loire. Surtout pas du gravier ou du quartzite, ni même de l’akadama.
Voila, reste à faire couler l’eau du robinet ou, si vous êtes puriste, une eau reconstituée à base d’eau osmosée et de «sels Tanganyika ». Les deux points les plus importants sont une absence de nitrates et une température constante de 25°C.
Au menu
Les similis et multifasciatus ne sont pas du genre capricieux, artémias congelées ou en nauplies, cyclops, flocons, tout fait farine au moulin. Bien que les p’tits coquins terrassent sans arrêt, les coquilles vont rapidement se couvrir d’une couche d’algues vertes dans laquelle ils farfouillent : sans doute y trouvent-‐ils un peu de nourriture microscopique.
Beach, shell & sex
N. similis et multifasciatus se trouvent en petite quantité dans le commerce, sinon via les associations de cichlidophiles vous pourrez vous en procurer à bon prix. Jeunes, le dimorphisme sexuel est inapparent et comme ils vivent en colonies, achetez‐en un maximum, en tous cas, pas moins de 6 à 8 individus. Une fois libérés dans leur nouvel aquarium, ils iront se planquer dans les coquilles, le temps de déstresser. Vous les verrez alors parcourir votre mini‐champ de coquilles en flottant à quelques millimètres au dessus des orifices.
Dès qu’ils seront en confiance, ils vont coloniser la colonne d’eau sur une dizaine de centimètres. Puis la population va se structurer, les mâles se montrant plus volontiers en pleine eau, les femelles plus inféodées au substrat. Il peut y avoir des petites contestations entre deux mâles aux frontières de deux territoires, mais sans violence ni mort. Enfin vous pourrez observer leur incessante activité enquête d’une micro particule comestible ou leur pelletage incessant pour remonter une coquille en injectant du sable par dessous, en abaisser une autre en sapant le sable sous elle. Parfois on s’arrête pour une parade de séduction. Ne me demandez pas comment se passe la reproduction. Je peux vous affirmer qu’elle se passe … au plus profond des coquilles. Un jour apparaissent parmi les coquilles des alevins qui sont protégés par les adultes. Ce qui augmentera rapidement la densité de votre colonie et vous permettra de passer de bons moments lorsque vous déciderez de céder quelques jeunes à un ami. Car oui, si ces poissons sont très attirants et totalement sympas, pêcher les alevins demande une technique sophistiquée, l’usage de l’épuisette se montrant aussi épuisant qu’inefficace. Personnellement j’ai employé la nasse faite à partir d’une bouteille d’eau minérale en PET transparent et appâtée aux artémias. Ce n’est pas rapide, mais ça fonctionne. Vous aurez compris que ces p’tits coquins m’ont rendu zinzin. Je suis en sympathie totale avec ces mini cichlidés qui sont – à mon avis – les deux espèces idéales pour débuter la cichlidophilie dans toute région où l’eau de distribution présente un PH de 7 et plus et une dureté totale de 30 et plus. Luc Helen